UN Poète, une vie

Julos BEAUCARNE
Résolument engagé et humaniste


A la fois conteur, poète, comédien, écrivain, chanteur et sculpteur, Julos Beaucarne (1936-2021) a écrit plus de 500 chansons et enregistré 35 albums. Véritable ambassadeur de la culture wallone,
 résolument engagé et humaniste, amateur d'aphorismes, de dialectes et d'accents locaux, il est un personnage à part dans le monde de la chanson francophone. Théâtre, poésie, chanson : il a toujours mêlé les disciplines comme si elles ne devaient former qu'un tout, pour mieux enchanter le spectateur. Son sens de l'humour typiquement belge, plein d'autodérision, le rend particulièrement attachant. 

Ses albums se présentent comme des montages de chansons, de poèmes récités, de monologues humoristiques, de « prises de sons et d'extraits de voix »… Chacun de ses albums est une ambiance plus qu'un concept, qui traduit de multiples façons un état d'âme particulier où se mêlent la révolte (lettre à Kissinger, Bosnie-Herzégovine), la tendresse (Y Vaut Meyeu S'bêtchi), l'humour (Pompes funèbres) et le quotidien, comme la voix de son voisin Ferdinand dans les "communiqués colombophiles". Contrairement à d'autres chanteurs dits « à textes », la musique n'est pas dépréciée : deux albums instrumentaux sont même parus de ses mélodies (L'univers musical). Il refuse le vedettariat, a sa propre maison d'édition de disques et de livres (les Éditions Louise-Hélène France), échappant ainsi aux obligations des majors de la publication. Il continue d'habiter dans son village de Tourinnes-la-Grosse en Belgique, et intervient lui-même tout simplement sur la page Facebook de sa fondation.

Il faut s'aimer à tort et à travers
C'est à la suite du meurtre de sa compagne Loulou (Louise-Hélène France) par un déséquilibré, à la Chandeleur 1975, que son style devient encore plus profondément humaniste. Il écrit cette nuit-là une lettre ouverte, analysant la culpabilité de la société qui arme les mains des assassins, assorti d'un appel à "reboiser l'âme humaine" par "l'amour, l'amitié et la persuasion". Nombre de ses chansons et de ses textes se rapportent à cette "séparance", comme il dit. Après ce drame, il voyagera, en particulier au Québec et renforcera ses liens avec les chanteurs francophones de la culture du Kébek, selon la graphie du poète Raôul Duguay. À la mort du roi Baudouin, il a été choisi comme symbole du peuple belge pour chanter un hommage au roi défunt. Cet artiste qui a proposé un hymne national wallon aux paroles simples et pacifiques a par ailleurs été anobli en juillet 2002 par le Roi et peut porter le titre de Chevalier. Il a aussi signé le Manifeste pour la culture wallonne en 1983.

Il met en chanson des poèmes, d'auteurs belges (en particulier Max Elskamp) ou non-belges, ce qui a donné naissance aux chansons Je ne songeais pas à Rose (de Victor Hugo), Je fais souvent ce rêve étrange (de Verlaine)…

Apôtre de l'écologie
Pour le reste, Julos est depuis le début un infatigable apôtre de l'écologie, de l'amour entre les hommes, un vélorutionnaire d'avant-garde. "New age", diront certains, mystique pour d'autres, Julos Beaucarne échappe aux modes (« maladies mentales entretenues par le commerce »), vivant délibérément selon ses mots dans un âge post-industriel, où le monde sera "neuf ou veuf". On lui doit, sous une allure de facétie terriblement sérieuse, la création de deux « mouvements » sans cartes ni membres répertoriés : le Front de Libération de l'Oreille, et le Front de Libération des Arbres Fruitiers, dont les initiales Flo Flaf (puis simplement FLO) sont devenues le titre d'un organe de liaison où il laisse aller sa plume, et publie certains textes d'amis poètes reconnus ou inconnus du grand public.

En perpétuelle recherche d’un monde meilleur, il n’hésite pas à s’engager et à soutenir les causes qui lui paraissent justes et émancipatrices des hommes et des femmes du « village global ». Il se définit lui-même comme étant un homme dont "le terroir, c'est les galaxies".

Dans les années 2000, Julos s'essaie à la sculpture avec des objets de récupération et détournés de leurs usages premiers (proche de l'art singulier). Il crée dans un champ, à la ferme de Wahenges en Belgique, un ensemble de post-industrielles à partir de tourets de chantiers récupérés et empilés par ordre de taille décroissante.

Anarchiste
En 2014, Julos Beaucarne déclare : « Anarchiste, je le suis jusque dans la moelle de mes os ! Anarchiste, selon moi ça veut dire proposer des pistes que les autres n’ont pas encore explorées et enfoncer des portes qui n’ont pas été encore ouvertes. C’est ce que je fais depuis cinquante ans maintenant. ».

Comédien
Comédien, Julos Beaucarne joue le « père Jacques » dans le Mystère de la chambre jaune et Le Parfum de la dame en noir. Julos est dans la vie comme dans ses chansons, simple, authentique, fidèle à son humanisme.

En 2012, il joue le rôle du père de Prudence dans Associés contre le crime de Pascal Thomas, avec Catherine Frot et André Dussollier.

En 2006, Julos a fêté ses 70 ans : c'est un évènement très couvert médiatiquement en Belgique (télés, radios, journaux). L'occasion pour l'artiste de présenter un nouveau spectacle et de sortir un CD de ses nouvelles chansons, un nouveau livre (l'intégrale des textes de ses chansons), un DVD d'un de ses spectacles, un nouveau site internet, des expos, des conférences…
Source : Wikipédia

Lettre ouverte de Julos Beaucarne - Chanson pour Loulou



Ma Loulou est partie pour le pays de l'envers du décor, un homme lui a donné neuf coups de poignard dans sa peau douce. C'est la société qui est malade, il nous faut la remettre d'aplomb et d'équerre, par l'amour et la persuasion. C'est l'histoire de mon petit amour à moi arrêté sur le seuil de ses 33 ans. Ne perdons pas courage ni vous ni moi. Je vais continuer ma vie et mes voyages avec ce poids à porter en plus et nos deux chéris qui lui ressemblent. Sans vous commander, je vous demande d'aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. Le monde est une triste boutique, les coeurs purs doivent se mettre ensemble pour l'embellir, il faut reboiser l'âme humaine. Je resterai sur le pont, je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. A travers mes dires, vous retrouverez ma bien aimée, il n'est de vrai que l'amitié et l'amour. Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses ; on doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller au paradis. Ah comme j'aimerais qu'il y ait un paradis, comme ce serait doux les retrouvailles... En attendant, à vous autres, mes amis d'ici-bas, face à ce qui m'arrive, je prends la liberté, moi qui ne suis qu'un histrion, qu'un batteur de planches, qu'un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd'hui : je pense de toutes mes forces, qu'il faut s'aimer à tort et à travers.
Julos
Nuit du 2 au 3 février 1975